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COP-16 : Il est urgent de remettre la biodiversité marine au cœur des priorités

Dr. Beth Polidoro 
Research Director, Marine Stewardship Council (MSC) 
Associate Professor, School of Mathematical and Natural Sciences, New College of Interdisciplinary Arts and Sciences, Arizona State University

À l'ouverture de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP 16) à Cali, en Colombie, nous devons de toute urgence aborder un déséquilibre critique : la biodiversité marine est largement négligée par les initiatives mondiales de conservation, menaçant nos océans et la santé de la planète. Les écosystèmes terrestres et marins sont interconnectés – sans un océan sain, la vie sur Terre ne peut prospérer. Près de 80% des gouvernements n'ont pas soumis de Stratégies et Plans d'Action Nationaux pour la Biodiversité (NBSAPs) mis à jour avant la COP. Ces plans définiront les bases de décennies de travail pour protéger la nature. Il est ainsi essentiel qu'ils intègrent pleinement la biodiversité marine, en assurant les engagements et les financements nécessaires pour protéger nos océans aux côtés des écosystèmes terrestres. 

La santé de la planète, inextricablement liée à celle de l’océan 

L'océan couvre plus de 70 % de la planète, produit de l'oxygène, stocke le carbone et nourrit des millions de personnes. Il abrite une biodiversité immense, estimée entre 500 000 et 10 millions d'espèces, dont beaucoup restent à découvrir. Pourtant, le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal (Kunming-Montreal Global Biodiversity Framework), adopté par 192 pays en décembre 2022 (comme de nombreux accords internationaux avant lui) n'a pas réussi à donner une priorité suffisante à l'océan. Malgré les menaces pesant sur les écosystèmes marins, telles que la surpêche, la pollution et la destruction des habitats, les efforts mondiaux de conservation restent largement centrés sur les environnements terrestres. Ce déséquilibre met en danger à la fois la Terre et la mer.  

Prenons l'exemple du stockage du carbone. Les mangroves, les herbiers marins et les écosystèmes côtiers jouent un rôle crucial dans la rétention du carbone : l'océan absorbe environ un quart des émissions mondiales de CO2 chaque année. La dégradation de ces milieux menace la capacité de notre planète à lutter contre le changement climatique, qui, à son tour, exacerbe les phénomènes météorologiques de plus en plus violents ainsi que d’autres menaces pour les forêts, les zones humides et la biodiversité terrestre. L’absence de prise en compte des écosystèmes marins dans les plans d’actions pour la biodiversité compromet les efforts visant à protéger les moyens de subsistance des populations côtières, la sécurité alimentaire et les services écosystémiques (tels que la protection du littoral, la régulation climatique, le stockage du carbone et le cycle des ressources nutritives). 

Les conséquences de l’ignorance de la biodiversité marine  

L'ODD 14, consacré à la vie aquatique, est l'un des objectifs de développement durable les moins financés de l'ONU. La majorité des financements publics internationaux pour la biodiversité sont dirigés vers la biodiversité terrestre et d'eau douce, et seulement environ 4 % de l'Aide Publique au Développement (APD) relative à la biodiversité sont alloués aux écosystèmes marins. Ce manque d'investissement est alarmant, compte tenu de la sécurité économique et des besoins essentiels que l'océan fournit à des millions de personnes dans le monde. 

Les conséquences de cette ignorance sont frappantes. Plus de 25 % des mammifères marins sont maintenant à risque élevé d'extinction et 38 % des stocks de poissons sont considérés comme surexploités, menaçant la sécurité alimentaire mondiale. Au fil de ma carrière de chercheure en sciences marines, la population mondiale a presque doublé, exerçant une pression significative sur les ressources marines pour l’alimentation et les moyens de subsistance, ajouté à l'augmentation de la pollution marine et la perte de biodiversité. Nous ne pouvons pas nous permettre de repousser les échéances.  

Une collaboration commune internationale nécessaire pour remédier à ce déséquilibre 

Cependant, la sensibilisation du public à la crise de la biodiversité marine a rapidement pris de l’ampleur. Il y a vingt ans, lorsque j'ai commencé ma carrière en conservation marine avec « la Liste rouge des espèces menacées » de l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), nous disposions de données détaillées sur l'état de conservation d'environ 1500 espèces marines, principalement des mammifères marins, des tortues de mer et des oiseaux marins. Depuis, l'UICN a procédé à une évaluation systématique de l'état de conservation de près de 20 000 espèces marines, dont les principales espèces formant des habitats, comme les coraux, les mangroves et les herbiers marins, ainsi que la majorité des poissons marins. Mais nous sommes encore loin de comprendre la répartition, les populations et l'état de conservation de centaines de milliers d'espèces marines, y compris les poissons d’eaux profondes, les invertébrés marins et les algues. 

Alors que nous approchons potentiellement d’un point de bascule planétaire, nous nous trouvons devant un moment critique : nous devons travailler ensemble pour corriger ce déséquilibre avant qu'il ne soit intégré dans les politiques mondiales. Les Stratégies et Plans d'Action Nationaux pour la Biodiversité (NBSAPs), que les pays mettent à jour pour s'aligner sur le Cadre de Kunming-Montréal, doivent reconnaître l'interdépendance des écosystèmes marins et terrestres.  

Bien que l'ampleur et la rapidité de la perte de biodiversité mondiale puissent sembler décourageantes, des progrès sont réalisés. « La Liste rouge des espèces menacées » de l'UICN et les normes scientifiques du Marine Stewardship Council (MSC) pour la pêche durable ont été reconnues dans le cadre de Kunming comme des indicateurs solides pour mesurer les efforts visant à inverser le déclin de la biodiversité marine.  

Par exemple, les pêcheries certifiées MSC « Pêche Durable » maintiennent des populations de poissons en bonne santé et réduisent les prises accidentelles, ce qui bénéficie à l'ensemble de l'écosystème marin, avec des preuves que les stocks ciblés sont plus abondants. En Australie du Nord, les pêcheurs utilisant des dispositifs d’exclusion des tortues (TEDs) ont réduit de 99 % les prises accidentelles de tortues. De même, la pêcherie de merlu namibienne a réduit la mortalité d'oiseaux marins de 98 % grâce à des lignes d’effarouchement. 

La COP-16 : une opportunité décisive pour façonner l’avenir des océans  

Alors que les délégations gouvernementales se réunissent pour la COP-16, elles doivent veiller à ce que les océans soient pleinement pris en compte dans les NBSAPs et soutenus par des engagements politiques et financiers appropriés. Les ONG, les militants, les donateurs et les journalistes doivent demander des comptes aux gouvernements et faire pression en faveur de stratégies de conservation globales et interconnectées. 

Nous devons agir maintenant pour garantir que les écosystèmes marins soient protégés et gérés durablement aux côtés des environnements terrestres. 

L’océan est notre plus grand allié dans la lutte contre la perte de biodiversité et le changement climatique. Nous devons dès maintenant élaborer et mettre en œuvre des politiques de conservation marine, avant qu'il ne soit trop tard. 

Notes : 
À propos du MSC : Le Marine Stewardship Council (MSC) est une ONG environnementale internationale qui lutte, depuis 25 ans, contre la surpêche et pour la préservation des ressources marines au niveau mondial en s’appuyant sur une approche scientifique, grâce à son programme de certification environnementale et de labellisation. Pour plus d'informations, consultez le site msc.org/fr 

Sources : 

  1. United Nations. (2022). The Kunming-Montreal Global Biodiversity Framework: Summary of the COP15 Meeting. 

  1. Convention on Biological Diversity. (2022). National Biodiversity Strategies and Action Plans (NBSAPs). 

  1. Greenpeace. (2023). Marine Conservation in the Face of Climate Change. 

  1. United Nations. (2020). Global Biodiversity Outlook 5. 

  1. Worm, B., et al. (2006). Impacts of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services. Science. 

  1. Marine Stewardship Council. (2023). MSC Recognized by the UN as a Global Indicator for Action on Biodiversity Loss. 

Contacts presse : Roxane Dollet  - Responsable des Relations Presse, MSC France - [email protected] – 06 03 18 17 68 


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