C’est officiel ! Depuis les 23 novembre et 08 décembre derniers, les pêcheries de « Homard du Cotentin et de Jersey » et de « Bulot de la Baie de Granville » ont décroché leur 3^ème et 2^ème certification « Pêche Durable MSC », signes de leur bonne gestion et de leur détermination malgré les crises successives. Elles restent jusqu’ici les premières et uniques pêcheries transfrontalières de Homards bleus et de Bulots certifiées « Pêche durable MSC » au monde. 

Félicitations aux pêcheurs normands et jersiais ! « La re-certification MSC, ... c’est une reconnaissance internationale de nos bonnes pratiques, la continuité de nos engagements vers une pêche durable et responsable, mieux, l’opportunité d’aller chercher des modèles de gestion de plus en plus fiables et de plus en plus poussés » se félicite Marc Delahaye, Directeur du Comité Régional des Pêches Maritimes et des Elevages Marins de Normandie ⁽¹⁾ porteur de la démarche (avec Jersey pour ce qui est du homard). Il remercie chaleureusement l’accompagnement financier de la Région Normandie, via un Contrat d’Objectif triennal. Une démarche de longue haleine qui a aussi été appuyée et soutenue par le SMEL ⁽²⁾ et Normandie Fraîcheur Mer ⁽³⁾, d’un point de vue scientifique et technique.

Pour son Vice-Président, Eric Leguelinel, homardier depuis plus de 35 ans dans les eaux franco-britanniques et aussi grand spécialiste des îles anglo-normandes, « Ce renouvellement nous a permis de garder contact avec Jersey dont le traité avec la baie de Granville est devenu complètement caduc depuis le Brexit. Si les négociations avec le gouvernement jersiais n’en sont encore qu’aux balbutiements, on espère un retour apaisé. L’enjeu de la re-certification est environnemental mais aussi politique. On est une des régions les plus draconiennes en termes de gestion. On s’impose des quotas stricts, un nombre limité de casiers par bateau, une taille minimale de capture, des casiers d’une grande sélectivité munis de trappe d’échappement. La ressource se porte bien. Pas de raisons qu’il n’y ait pas les mêmes droits pour tous ! »

" Nous sommes fiers d'être aux côtés du Comité Régional des Pêches pour célébrer ces re-certifications récompensant plus de 12 ans d’engagement des pêcheurs normands et jersiais, en faveur de la durabilité au sein de l'ONG MSC. La certification MSC est une démarche scientifique, rigoureuse et exigeante qui demande un fort investissement et des améliorations continues. Le contexte du Brexit a fortement impacté la filière donc c’est un formidable achèvement ! Bravo à eux ! ", Caroline Gamblin, Responsable Pêcheries MSC.

En attendant des jours meilleurs, ces deux renouvellements sont aussi l’aboutissement d’une coopération de plus en plus forte entre pêcheurs et scientifiques. « Avant on allait là où les pêcheurs voulaient bien nous emmener. On prélevait nos échantillons en même temps qu’on faisait autre chose. On relevait ce qu’ils déclaraient dans leurs logbooks. C’était plus une relation de confiance. Aujourd’hui, nos sorties sont plus régulières. Nous consacrons un temps exclusif au suivi des stocks, avec aussi la nouveauté d’avoir 5 stations en mer qui nous permettent de travailler sur place au bénéfice des résultats … de quoi renforcer nos liens avec les pêcheurs » explique Laurence Hégron-Macé, responsable du pôle « Pêches Maritimes » du SMEL – impliquée depuis plus de 20 ans dans le suivi scientifique des stocks de Bulot et Homard dans l’Ouest Cotentin. 

Par-delà ces moyens techniques, des seuils d’alertes et aussi des indices standardisés ont été mis en place par les chercheurs permettant ainsi au Comité des Pêches de prendre quasi immédiatement les mesures adéquates au cas où certains seuils seraient atteints.

C’est typiquement le cas du bulot qui est plutôt en seuil d’alerte sur la façade Ouest. « On récolte le pic de chaleur de 2022 » explique Julien Mouton, caseyeur à homards et bulots et aussi Président de la commission Crustacés au CRPMEM. « Ce n’est pourtant pas faute d’avoir mis en place des mesures de gestion complémentaires. En plus de la fermeture en janvier, de l’écartement des grilles de tri, nous avons dû diminuer de 30% nos quotas de pêche. En 5 ans, on est à la 3ème baisse. De 810 kg pour 3 marins embarqués, on est passé à 630 kg et même ça, ça devient compliqué de les faire. »

Entre les hivers doux et les étés chauds qui se décalent, le pêcheur est inquiet de voir les stocks s’amenuir petit à petit, mais veut garder espoir que l’animal sédentaire puisse s’adapter dans son nouvel environnement. Pour l’heure, pêcheurs et scientifiques sont d’accord pour dire qu’il est prématuré de tirer des conclusions trop hâtives, pas pour agir ! … et tiennent, en cette période de fêtes, à profiter de cette double reconnaissance. 

(1)    Le Comité Régional des Pêches Maritimes et des Elevages Marins (CRPMEM) de Normandie s'étend du Mont-Saint-Michel au Tréport. Il représente et défend les intérêts de 1500 marins embarqués, près de 600 bateaux, 300 pêcheurs à pied et les élevages d'aquaculture normands. https://www.comite-peches-normandie.fr

(2)    Créé en 1980 à l’initiative du Conseil Départemental de la Manche, le SMEL, (Synergie Mer et Littoral), a pour mission d’aider au développement des activités économiques basées sur les ressources marines vivantes (pêche et culture marine) de Normandie. https://www.smel.fr

(3)    Créée en 1998 par le Comité Régional des Pêches et l’Organisation des Producteurs de Basse-Normandie (à l’époque), Normandie Fraîcheur Mer (NFM) est devenu, en 25 ans, un outil essentiel pour défendre, valoriser et promouvoir la qualité et la durabilité des produits pêchés en Normandie. Depuis plus de 10 ans, NFM apporte une assistance technique au CRPMEM dans le cadre de son programme d’écolabellisation de ses pêcheries, convaincu que qualité et durabilité sont indissociables d’une bonne préservation des ressources naturelles marines. https://www.normandiefraicheurmer.fr